De septembre 2004 à juillet 2008, 25 signalements d'intoxications à la ciguatéra ont été recensés, correspondant à 52 cas dont trois ont été hospitalisés. Le nombre de cas par an est légèrement supérieur à celui recensé en Martinique sur la période 1997-2007 (13 cas en Guadeloupe vs 9 cas en Martinique) ce qui peut s'expliquer par la situation géographique de la Guadeloupe et de ses Iles du Nord, limitrophes de la zone caribéenne de capture des poissons ciguatoxiques. Comme en Martinique, ces intoxications étaient réparties de façon homogène tout au long de l'année. Les poissons les plus fréquemment en cause dans ces intoxications étaient des carangues (28%), ce qui confirmait les observations antérieures de Pottier et coll. en 2002. Les pagres, barracudas et mérous (ou vieilles) étaient également impliqués, la pêche de tous ces poissons étant soumise à réglementation en Guadeloupe [2]. Entre 2009 à 2011, le nombre de cas annuel recensés par la CVAGS est inférieur à celui de la période précédente, et à celui enregistré en Martinique depuis 2007 : de six à huit cas par an, pour deux à quatre signalements, selon l'année. Sur l'ensemble des trois années, deux cas ont été hospitalisés. Le mode d'approvisionnement des cas est souvent informel (cas pêcheur lui-même, don de l'entourage, revendeur ambulant) avec un seul achat dans un supermarché. Sur cette période, un seul épisode a conduit à une confirmation biologique par le laboratoire de sécurité des aliments de Maisons-Alfort. Les espèces les plus concernées restent la Carangue, le Pagre mais aussi le Mérou. Les lieux de pêche, approximativement connus pour six épisodes sur les neuf de la période, se situent au large de la
Grande Terre : Saint-François, Désirade, Port Louis, Sainte-Anne. Cette situation a notablement changé en 2012 et présente deux caractéristiques : l'identification d'une source d'exposition commune à plusieurs signalements, ayant conduit à des mesures de contrôle inhabituelles, et une augmentation globale du nombre de cas. Cet article s'attache à décrire ces deux aspects qui ont marqué l'année 2012.
DETECTION D'UNE SOURCE COMMUNE D'EXPOSITION A LA CIGUATOXINE
Entre le 27 mars et le 29 mai 2012, 12 signalements d'intoxication à la ciguatoxine se sont succédés, correspondant à 33 cas de ciguatéra. Ces signalements ont été faits pour moitié par les médecins sentinelles, et dans les autres cas par le patient lui-même, par le médecin traitant ou par la DAAF.
Dans 11 des 12 signalements, la validation des cas, ayant tous consulté un médecin, a été faite facilement en raison de la présence de symptômes de la sphère neurologique (dysesthésies, paresthésies), accompagnant des signes digestifs et après consommation d'un poisson potentiellement vénéneux. La validation du 12ème a été faite grâce au lien épidémiologique avec l'un des signalements précédents.
Dès la mi-avril, la fréquence de ces signalements et le nombre de cas concernés laissait présager un phénomène inhabituel et présentant un impact pouvant être important sur la santé publique en raison de l'effectif potentiellement élevé de la population exposée : l'alerte a été déclenchée le 23 avril. Les caractéristiques des signalements figurent dans le tableau 1 : les intoxications n'ont entraîné une hospitalisation que dans un cas sur les 33, leur sévérité reste donc modérée. La recherche systématique du lieu d'achat et/ou du lieu de pêche des poissons incriminés a rapidement attiré l'attention sur un lieu d'achat commun à ces signalements : le marché aux poissons de la Darse à Pointe à Pitre, également concerné pour les poissons achetés dans l'hypermarché, dont le fournisseur était lui-même client d'un marchand de poissons de la Darse.